- VARISQUES (CHAÎNES)
- VARISQUES (CHAÎNES)Le terme «varisque» (E. Suess, 1897) est emprunté au nom latin des habitants de l’actuel Vogtland, situé dans le Fichtelgebirge, en Bavière, et dont la ville principale, Hof, se nommait Curia Variscorum . On appelle chaînes varisques l’ensemble des zones plissées pendant le Paléozoïque (principalement au Carbonifère) dans l’aire géographique comprenant le sud des continents laurasiens et le nord des continents gondwaniens. On peut considérer les diverses phases épeirogéniques et orogéniques caractérisant les chaînes varisques comme ayant enregistré les réactions de ces deux grands ensembles, mobiles l’un par rapport à l’autre. Mais la chaîne varisque a été entièrement érodée puis nivelée au Permien, de sorte que les terrains du Trias se sont déposés sur une série de pénéplaines. Dans le nord de l’Europe, cette chaîne a été en partie recouverte par les sédiments mésozoïques et cénozoïques; dans les Alpes, elle a été reprise par les plissements alpins. Si bien qu’au total il ne subsiste de la chaîne varisque européenne que des noyaux résiduels qu’on devrait appeler massifs varisques mais qu’on a pris la mauvaise habitude d’appeler «massifs hercyniens»; ce sont: la Cornwall plus une partie du Devon, le massif Armoricain, le Massif central français et la Montagne Noire, les Vosges, la Forêt-Noire, l’Ardenne, le massif schisteux Rhénan, l’Odenwald et le Spessart, le Hartz et le Flechtinger Hoche, la Thuringe, l’Erzgebirge, les Sudètes, le massif bohémien et la zone morave. Un article spécial étant consacré à ces massifs (cf. massifs HERCYNIENS), on tentera seulement ici de rétablir leur continuité géographique et de distinguer les phases orogéniques qui s’y sont produites.La chaîne varisque au sens strict s’étend donc du sud de l’Irlande aux Carpates, en Europe occidentale, centrale et orientale. Cependant on lui voit une extension vers l’Asie centrale, dans l’Altaï par exemple: ce sont les Altaïdes de Suess, qui se prolongent jusqu’en Chine. Une autre extension se trouve dans le sud des États-Unis, avec la chaîne de Marathon . La suite Marathon-chaîne varisque sensu stricto -Altaïdes correspond à un ensemble orogénique du sud de la Laurasie. Dans le nord du Gondwana, une série d’orogènes correspond également à un ensemble varisque: en fait partie, en Afrique du Nord, la chaîne moghrabine prolongée vers le sud par les Mauritanides . La continuité est toutefois plus difficile à mettre en évidence le long de la bordure septentrionale du Gondwana, car les chaînes paléozoïques y ont été démantelées par les mouvements ultérieurs et reprises dans les chaînes alpines en même temps que se disjoignaient les continents gondwaniens et que finalement s’affrontaient les deux ensembles. Ainsi les chaînes du nord du Gondwana s’étendaient de l’Afrique du Nord vers l’est, dans ce qui est aujourd’hui composé des Dinarides sensu lato (Alpes Carniques, massifs du Rhodope et autres massifs balkaniques, sud de la Turquie, Iran, Afghanistan central, Salt Range, Him laya du Cachemire et du Népal). Des jonctions se situent entre les chaînes varisques laurasiennes et gondwaniennes: c’est le cas de la chaîne hespérique , qui prend en écharpe la péninsule Ibérique et constitue un lien entre l’Europe moyenne et l’Afrique du Nord.On peut faire remonter l’initiation des chaînes varisques au moment de la formation de la Téthys, laquelle paraît à l’origine de la dislocation de la Pangée. En bordure du Pacifique, les deux supercontinents étaient ourlés d’une zone orogénique simple; mais, au niveau de la Téthys, les bordures orogéniques étaient face à face et, souvent sans doute, se touchaient. Il s’en est suivi des orogènes doubles donnant naissance à des chaînes déversées symétriquement, chacune sur le continent voisin. Ce système antagoniste est comparable au système calédonien, entre l’Amérique du Nord et l’Europe septentrionale, dont l’âge est contemporain.ChronologieL’histoire des chaînes varisques peut être considérée de plusieurs points de vue. Elle est jalonnée par des phases orogéniques et tectoniques, souvent liées aux grandes épeirogenèses. Ces phases, qui s’accompagnent de la mise en place de granites et autres roches magmatiques, ont donc fait l’objet de nombreuses datations isotopiques.La phase assyntiqueDéfinie pour l’orogène calédonien, la phase assyntique (H. Stille, 1944), d’âge compris entre 825 et 560 millions d’années, est aussi très largement représentée dans les orogènes de la chaîne varisque. Elle correspond pratiquement à l’Éocambrien [cf. ÉOCAMBRIEN]. Pendant cette phase s’édifièrent les linéaments de l’Europe moyenne, avec les massifs armoricain, arverno-vosgien, erzgebirgien et bohémien; de la même manière se formaient un massif Montagne Noire-Sardaigne et une partie importante de la Meseta ibérique. Cette zone ancienne de l’Europe constitue les parties axiales de la chaîne, môles qui occuperont constamment une position géanticlinale, c’est-à-dire qui surgiront lors des grandes périodes de crise. La «chaîne assyntique» est celle où l’on trouve les terrains les plus hautement métamorphiques, sur lesquels reposent les sédiments du Cambrien marin fossilifère d’Europe (hors du bouclier fenno-sarmate). Un domaine d’âge assyntique sera probablement reconnu dans les autres parties de l’aire varisque, notamment en Afrique du Nord où le métamorphisme régional le plus élevé se rencontre aussi dans les mêmes parages que le Cambrien fossilifère (Anti-Atlas et Haut Atlas marocains) ainsi que sous des terrains un peu moins anciens (le Llanvirn de Grande Kabylie). Cette zone assyntique se caractérise également par des épanchements de laves et par la mise en place de roches vertes de l’Éocambrien ou du Cambrien inférieur (volcanisme préorogénique).La phase sardo-bohémienneLa phase sardo-bohémienne se distingue, dans les mêmes régions que la phase assyntique, par de faibles plissements et surtout par des interruptions de la sédimentation marine au Cambrien supérieur et au Trémadoc (cf. CAMBRIEN, TRÉMADOC), ce qui explique la rareté de ces niveaux dans l’Europe moyenne, l’Espagne et l’Afrique au nord du Pré-Sahara. Elle est probablement contemporaine de la phase du Salaïr, décelée en Sibérie près du lac Baïkal.La phase taconiqueUn grand ensemble de troubles tectoniques s’est produit à l’Ordovicien supérieur, pendant le Caradoc et l’Ashgill [cf. ORDOVICIEN]. Paléogéographiquement, il correspond à une vaste épeirogenèse qui semble bien avoir affecté la totalité des supercontinents et s’être terminée par une importante glaciation en Afrique.À ce soulèvement des continents se sont ajoutés des mouvements orogéniques dans les deux grands systèmes: dans le système calédonien s’élevait alors la chaîne taconique des Appalaches, tandis que dans le système varisque se constituaient la ride ardennaise, accompagnée d’un volcanisme surtout acide, et une cordillère dans la Montagne Noire.La phase ardennaiseLa phase ardennaise correspond à un nouvel ensemble dominé par une grande épeirogenèse, celle qui, au Siluronien (cf. GÉDINNIEN, SILURIEN), aboutit à la fermeture du Proto-Atlantique par la soudure de l’Amérique du Nord et de l’Europe en un grand continent dit des Vieux Grès rouges. Cette épeirogenèse a eu pour répercussion, dans la chaîne varisque, la surrection de rides dans l’Ardenne (ride condrusienne et ride brabançonne), le massif schisteux Rhénan (cordillère de Hesse) et la Catalogne.La phase bretonneLa phase bretonne correspond, dans le système varisque, à la phase acadienne des Appalaches, liée au système calédonien. Elle est d’ailleurs elle-même composée de plusieurs étapes, encadrant le Dévonien supérieur, débordant même parfois sur le Tournaisien [cf. DÉVONIEN]. Elle est perceptible dans le massif Armoricain (d’où son nom), dans le massif schisteux Rhénan, dans les Vosges et la Forêt-Noire, en Saxe et Thuringe, en Bohême, où finit le bassin marin «barrandien», dans le nord de la Montagne Noire, dans les Pyrénées et dans l’orogène hespérique; elle se manifeste par du volcanisme, des montées de granite et par une tendance à l’émersion: c’est une véritable chaîne qui s’élève alors, tout à fait comme dans les Appalaches. Dans l’orogène moghrabin, qui peut être considéré aussi bien comme participant au système calédonien (zone appalachienne) qu’au système varisque, la phase bretonne est bien distincte dans le Maroc central, où l’on peut en reconstituer les plissements à faible rayon de courbure.Quelques séquelles de ces mouvements se rencontrent par places, par exemple au cours du Viséen dans le Mouthoumet.Cependant, dans l’ensemble, la partie supérieure du Mississippien (Viséen surtout) est une période de relâche dans l’orogenèse varisque: la Téthys est transgressive presque partout, ce qui n’empêche pas que le volcanisme soit important (dans le Devon et la Cornwall, par exemple).En bordure des zones exondées se dépose un sédiment marin ou deltaïque lié à l’orogenèse, et auquel a été donné le nom de culm . Il s’agit d’un flysch assez fréquemment rubané, comptant des schistes à Goniatites et montrant fréquemment un granoclassement (graded -bedding ) qui indique l’intervention de courants de turbidité. Il offre des lits conglomératiques, des grès fins à végétaux terrestres passant à des lits charbonneux et même des phtanites à Radiolaires.L’épeirogenèse mésocarbonifèreÀ partir du Namurien moyen, l’ensemble des continents s’est soulevé [cf. CARBONIFÈRE]: l’épeirogenèse mésocarbonifère qui débutait alors devait se prolonger jusqu’à la fin du Carbonifère, donnant naissance au substratum de la grande glaciation gondwanienne du Permo-Carbonifère. Dans l’aire varisque, l’épeirogenèse mésocarbonifère est liée à l’orogenèse maximale, matérialisée par deux phases: la phase sudète bien représentée en Europe centrale et occidentale, à la base du Namurien, s’accompagne de venues filoniennes; la phase erzgebirgienne , vers la limite Westphalien-Stéphanien, correspond à un paroxysme tectonique et à la montée des principaux granites. Les granites stannifères de Cornwall sont de cet âge: 290 millions d’années.Les plissements varisques des phases accompagnant l’épeirogenèse mésocarbonifère ont été les plus importantes de la chaîne; ils présentent des dislocations et de grands charriages. Les granites de cette époque et de cette aire sont chargés en minerais, depuis l’étain et le tungstène de Cornwall, du massif Armoricain et du Maroc central jusqu’aux monts Métallifères (Erzgebirge) et, en Asie, aux gisements de l’Altaï. L’abondance en mines métalliques de la chaîne varisque a fait la fortune de l’Europe médiévale. Cette richesse économique primordiale contraste avec la pauvreté des chaînes calédoniennes et avec celle de la chaîne alpine superposée à une partie de l’aire varisque. En outre, l’orogenèse varisque du Carbonifère supérieur, associée à l’épeirogenèse du Carbonifère supérieur, a abouti à l’assèchement des bords de la Téthys, les plissements y délimitant des bassins marécageux où se dépose la houille.Les phases tardivesÀ la fin du Carbonifère, les chaînes varisques étaient complètement indurées. Les mouvements qui les ont affectées pendant le Permien (phase saalienne ) jusqu’à la base du Trias (phase palatine ) n’ont guère été que des rajustements (cf. PERMIEN, TRIAS): une tectonique cassante se manifeste par des dislocations et des jeux de failles dans lesquelles viennent encore s’installer des filons métallifères (à pyrite, à galène, à blende), sans compter un volcanisme très important qui jalonna de nouvelles lignes structurales (Vosges, Estérel...).Les phases tardives de l’orogenèse varisque s’accompagnent du dépôt de molasses, sédiments continentaux détritiques, souvent rubéfiés. En Europe occidentale, le Permien «Rotliegende» appartient à ces formations et doit d’ailleurs son nom à sa couleur rouge. Il faut aussi leur attribuer les conglomérats rouges, par exemple le «verrucano» des régions alpines. Ajoutons que cette sédimentation de démantèlement de la chaîne varisque peut aussi être considérée comme l’une des conséquences de l’épeirogenèse qui affecta aussi l’aire calédonienne, puisque des terrains rouges du même âge se rencontrent dans le nord de l’Angleterre et sont connus sous le nom de «Nouveaux Grès rouges» (New Red Sandstones ).Signification des chaînes varisques dans la tectonique globaleLes chaînes varisques correspondent aux zones orogéniques qui se faisaient face de part et d’autre de la Téthys, au sud de la Laurasie et au nord du Gondwana, pendant le Paléozoïque. Si l’on tente de reconstituer les deux domaines avant leur mélange au cours de l’orogenèse alpine, on doit concevoir qu’il étaient séparés par une étroite zone océanique, sauf probablement entre Gibraltar et les Canaries, où semble avoir existé une jonction complexe Europe-Afrique-Amérique du Nord. La part dévolue à un fond océanique de type moderne paraît avoir été très faible; en revanche, il faut tenir compte d’un certain nombre de massifs ultrabasiques datés de la fin du Protérozoïque, dans le sud de l’Espagne et l’Afrique du Nord, région qui suggère une certaine comparaison avec les zones modernes dites de subduction.En ce qui concerne les plissements varisques, il semble qu’on puisse les considérer en partie comme résultant des mouvements relatifs des divers continents, boucliers, voire plaques tectoniques. Leur diversité explique sans doute la complexité des directions de ces chaînes («varisques» et «armoricaines» entre autres) depuis le sud des Appalaches. Le fait que la grande dérive du Gondwana vers le nord n’ait guère commencé avant le Dévonien peut expliquer la relative faiblesse tectonique des phases antédévoniennes dans l’aire varisque par rapport à leurs contemporaines dans l’aire calédonienne. Au contraire, le déplacement gondwanien, d’âge dévonien et carbonifère, vers la Laurasie, ne pouvait qu’accentuer l’importance des phases à partir de la phase bretonne.La paléogéographie nous apprend que, à la fin du Carbonifère et au Permien, les deux supercontinents étaient soudés au niveau de l’Afrique du Nord, de l’Espagne et de l’Europe occidentale et une Eurafrique interrompant complètement la Téthys alors occupée par la mer à Fusulines (laquelle ne dépassait pas vers l’ouest le méridien de Tunis). Toutes proportions gardées, car le matériel mis en cause était moins induré, cette jonction est comparable à celle des Dinarides avec les Alpes lors de l’orogenèse alpine. Une nouvelle disjonction commença d’ailleurs au Trias, aussi bien pour la Téthys occidentale, qui s’ouvrit largement, que pour l’Atlantique central, qui ne s’ouvrit progressivement qu’au Crétacé.Les géologues portent leur attention sur la tectonique cassante tardihercynienne et sur les tectoniques superposées du Paléozoïque (dans les Pyrénées, par exemple). Ces recherches font ressortir la nécessité de confronter de plus en plus les données géophysiques aux observations géologiques.
Encyclopédie Universelle. 2012.